samedi 30 décembre 2017

Le départ approche

Voici l'hiver !
Un jour nous partons à Denée. Ma section couche dans le jeu de boules de la Bidetterie. Je couche à l'hôtel, chez ma tante Rose qui m'a logé dans une soupente, réservant ses chambres convenables à ceux qui peuvent payer.
Tante Rose, qui voudrait vivre... avec nos vivres, a des démêlés avec les cuistots. Il y a du tirage. Nous restons d'ailleurs que fort peu de temps.



Quelques jours avant le 1er janvier 1916, toute la compagnie descend aux Ponts-de-Cé pour percevoir la collection bleu horizon.
Nous allons partir vers l'est.

Bruits de permission. Si j'en ai une, je la demanderais pour Châtellerault afin de revoir encore ma petite amie Jeanne. Mais hélas je suis fauché. Pas moyen d'entreprendre pareil voyage. Je l'écris à Jeanne et reçois le lendemain même un mandat télégraphique de 35 fr.. Une sacrée somme à l'époque. Quelle brave petite fille !
En fait de permission, sac au dos et embarquement à Angers. J'ai tout juste le temps de sauter à la Possonnière embrasser une dernière fois mes parents. Je rentre à Denée d'où la compagnie vient de partir. Il me faut tout de même trouver le temps de liquider avec ce vieux Raymond qui vient d'arriver en permission une dernière bouteille et, m'aidant du tram, je rattrape sur la route d'Angers la compagnie qui s'achemine vers le quai d'embarquement.

Je m'étais toujours promis de renvoyer ses 35 fr. à la ^petite Jeanne. Hélas, je crois bien que je n'ai jamais eu, la guerre durant, 35 fr. à ma disposition. Le remords ne m"a jamais étouffé. C'était sa contribution à la guerre à cette brave petite fille et le bon dieu des biffins a dû lui payer en indulgences. Elle en avait besoin.

"L'arme sur l'épaule - droite - Pas cadencé - Marche", ous traversons les rues d'Angers. Beaucoup, malgré la saison, ont trouvé des fleurs qu'ils ont bien vite glissées au bout du canon de leur fusil. Des jeunes filles nous en ont apportées.
Ces départs ne sont pas tellement nombreux à Angers ; les gens ne sont pas blasés et s'y intéressent.
Des mouchoirs s'agitent aux fenêtres ; des filles nous envoient des baisers ; des femmes pleurent qui ont des enfants dans les bras ; des vieux nous saluent gravement.

Nous sommes fiers de toutes ces marques de sympathie.

Bien sûr, si on demandait des volontaires pour rester à Angers, nous n'en trouverions pas un dans le bataillon qui défile.

Nous sommes des mâles. Nous allons au front. Nous sommes magnifiques. 




 FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE




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