vendredi 23 février 2018

De Sainte-Menehould vers le front.... on approche

Sainte-Menehould. Nous voudrions que le gens se retournent sur notre passage, nous regardent avec gratitude. Premier échec.
Les autochtones de Sainte-Menehould en ont vu bien d'autres. Ils sont blasés et se désintéressent totalement des troufions qui montent ou descendent des lignes. Si ce n'est toutefois quand il s'agit de leur prendre  leur pauvre pognon !

La Neuville-au-Pont :  Arrêt. C'est la limite pour les camions. Nous arrivons à la zone de combats. Drôle d'impression. On dirait un petit pays un jour de foire, avec cette différence qu'il n'y a ici que des soldats. Tous circulent avec des habits crasseux et délavés. Artilleurs qui passent à grands renforts de jurons, leurs chevaux attelés sur de tintamarresques caissons. Camions pétaradants qui ne trouvent pas leur place. Camionnettes sanitaires. Fourgons de ravitaillement. Des cris, des grincements, une pléiade de bruits qui vous étourdissent, et par-dessus tout, la grosse voix des canons qui domine.

Collection particulière

Vlan ! Vlan ! Vlan ! Vlan ! Vlan ! le bruit centuplé d'une porte qu'on ferme à toute volée.C'est la batterie contre avions qui tire. Les départs, tout près, nous ont fait sursauter tandis que le miaulement rageur des 75 monte là-haut dans le ciel.
A travers les nuages, dans le bleu qui apparaît, les flocons blancs semblables à des tampons d'ouate se déroulent en lentes volutes. Longtemps après, on entend le bruit de ces éclatements, un peu étouffé par la distance. L'avion, petit point gris, évolue avec aisance, semble-t-il, au milieu de ces moutons blancs. Parfois même, un brusque demi-tour le dégage complètement, les 75 allant éclater loin derrière, là où il aurait dû passer s'il avait conservé sa ligne droite.
L'avion s'est éloigné, les 75 se sont tus. Nous mangeons nos boîtes de singe.

3 heures. Allons, sac au dos, en route ! Le silence se fait immédiatement. Nous avons pris à travers champs, laissant en arrière le brouhaha du pays. On sent tout le monde attentionné, inquiet. Peur ?
Je suis bien sûr qu'à cette heure, au stade de début où nous en sommes, personne ne voudrait rester en arrière.... Plus tard, ce ne sera sans doute plus la même chose.

Colonne par 1, le lieutenant en tête, nous avançons vers l'avant. Le bled, mon dieu, est comme tous les autres, mais en friche depuis 1914. L'herbe folle a poussé partout, parsemée ça et là de déchirures dans le sol meuble : des trous d'obus.
Au loin, en avant, le canon tonne plus fort ; d'où nous sommes, nous entendons même filer les 75, un miaulement après leur aboiement court et rageur.

Le 75, canon "roi" de l'artillerie française
En 1914, le parc d'artillerie français compte environ 7 000 pièces, dont plus de la moitié est constituée du canon de campagne Puteaux modèle 1897 de 75 mm qui équipe 61 des 77 régiments d'artillerie métropolitaine.
Ce matériel, tout à la fois précis, robuste et souple d'emploi, est en mesure d'envoyer quinze à vingt obus par minute à plus de six kilomètres, performance qui lui confère une nette supériorité sur son concurrent allemand de 77 mm.

Extrait de http://sand.thomas.pagesperso-orange.fr/Soldats14_18/Details/003/003.html



Mais un énorme nuage gris semble jaillir du sol, s'évase, envahit tout un coin de bois tandis que des branches volent de tous les côtés. Le bruit ne nous parvient que quelques secondes plus tard, bruit de tonnerre qu se répercute sur les bois d'alentour et roule à n'en plus finir, d'écho en écho. Le premier éclatement, loin bien sûr, mais il vaut mieux s'y accoutumer de cette façon.

Là-haut, toujours la sarabande effrénée des avions boches qui semblent joer au milieu des flocons blancs.

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