lundi 4 décembre 2017

Les jours suivants

La bataille de Mulhouse (7-10 août)
Les jours ont passé . Les journaux de Paris que nous recevons encore ont affiché à la "une" avec une énorme manchette : "Nous avons pris Mulhouse !" Nous exultons. Allons, ceux qui partent ont peut-être raison, la guerre ne durera peut-être pas tellement longtemps.
Effeuillons un peu la page des jours, comme au cinéma lorsque les feuilles du calendrier des actus s'envolent.
Quelques jours plus tard donc : "Reprise de Mulhouse". Tiens, tiens, nous l'avions donc reperdue ? Nous comprenons , dès ce jour, que renseignés sur nos succès, nous ne le serions sans doute jamais sur nos infortunes.
L'entrée en guerre de l'Angleterre (5 août)
Les boches ont avancé à travers la Belgique, ce qui a donné prétexte à l'Angleterre, cette nation infernale, de déclarer la guerre à l'Allemagne. Si cette éventualité avait été connue quelques jours plus tôt, la guerre n'aurait pas eu lieu.... Albion s'est bien gardée de donner des précisions.
Les journaux de Paris n'arrivent plus. Les feuilles du pays, le Petit Courrier de l'Ouest, paraissent dans un format on ne peut plus réduit : la grandeur d'une feuille de cahier et une seule page.
L'invasion de la Belgique
Ils relatent l'avance allemande à travers la Belgique, les cruautés grand'guignolesques commises par les boches: femmes violées, mains coupées....(*) autant de bobards qui faisaient frissonner la population.
Enfin un beau jour, la manchette annonce : "Une grande bataille est en cours du côté de Charleroi". Vibrants, confiants, nous attendions. Deux jours plus tard, nouvelle manchette : "La bataille continue sans qu'aucun des partis ne puisse prendre l'avantage." Aïe !!!
Des morts, des blessés
A partir de ce jour, rien, plus rien, plus de journaux, plus aucune nouvelle.
La vérité, nous l'apprîmes quand même. Depuis quelques jours, des trains de blessés passaient. Trains minables, des wagons à bestiaux dans lesquels de pauvres blessés étaient allongés pêle-mêle, boches et français, blessés légers ou mourants mélangés aux déjà morts. Une pagaille complète dans la saleté de wagons mal lavés des déjections animales. Un mélange cruel de tous les degrés de la souffrance.
Bien entendu, la population se rua à tous ces trains. Il s'en suivit une distribution d'objets hétéroclites : vin, pain, lait, cigarettes, oranges, pansements,....Les femmes ayant vu des hommes affreusement abîmés - je me souviens d'un pauvre diable à qui manquait la moitié inférieure de la mâchoire- les femmes, dis-je, s'en retournaient, terrifiées, pleurant comme des madeleines.
La bataille de Guise (29 août)
Nous apprîmes un jour que les rescapés présents venaient de Guise. Guise... ce nom sonna étrangement dans mon esprit. Guise, c'était en France, assez loin de la frontière déjà. Alors ??? La carte consultée nous révéla froidement les faits. Le pays était envahi, nous étions battus. (**)
L'évacuation des civils
Les jours suivants, des trains d'évacués civils passèrent à leur tour. Pauvres trains, composés souvent de plates-formes sur lesquelles les gens se tenaient assis en plein soleil. Certains affolèrent le pays : "les boches arrivent à Paris. Ils n'en sont plus qu'à trente kilomètres. D'ailleurs leurs avions survolent la capitale."
Nous nous regardions absolument sidérés.

Le général Lenrezac, vainqueur de la bataille de Guise


(*) la bataille de Charleroi (21-23 août) a effectivement donné lieu à des exactions allemandes sur la population civile.
(**) la bataille de Guise est une victoire française qui sera déterminante dans la victoire de la Marne



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