mardi 30 septembre 2025

 

Journal Roger
Enfin nous y voilà, nous avons quitté hier soir la mer. Bien entendu, comme d’habitude, le retard à la gare s’est manifesté. Nous avons attendu debout dans la file que fichait l’administration. Puis, à minuit vingt, le plein fut fait et nous sommes montés.

À cette heure, il n’y avait pas un chat en route. Tout dormait. La route se déroulait, noire. Nous étions tous entassés avec nos sacs, nos fusils, nos casques, nos bidons, etc. Quelques-uns parlaient, d’autres sommeillaient. Je fis de même.

À 4 h du matin, nous arrivâmes au cantonnement. L’autobus s’arrêta devant une école et l’on nous conduisit dans une grande salle où il y avait de la paille. Là, nous pûmes dormir jusqu’à 7 h.

À cette heure, on se réveilla, et nous allâmes boire un petit noir à une roulante voisine. Ensuite, nous nous préparâmes pour l’exercice du matin.

À 8 h, nous partîmes sur la route. La marche dura trois heures.

Ce n’était pas si dur, le mouvement, et le temps était agréable. Après une pause de quelques minutes, nous revînmes. Les officiers faisaient de fréquents arrêts pour nous permettre de souffler.

Nous étions logés dans une école transformée en cantonnement. Nous dormions sur des paillasses posées à même le sol.

Aujourd’hui, c’est le 8 novembre. Nous avons fait l’exercice habituel. Le moral est bon. On s’attend à partir demain matin.

En effet, vers 4 h, on nous appelle, sac au dos. On va en ligne.

Le camion se met en marche promptement. J’ai pris place à côté du conducteur. La route est bordée d’arbres morts, de maisons en ruine. Le silence est total.

Nous sommes dans la zone de mort.

Tous les visages sont graves. Nous pensons tous à ce qui nous attend.

Il fait froid ; deux fusils montent la garde.

À un moment, un obus éclate non loin de la route. Le bruit est assourdissant. Nous nous tassons, instinctivement, au fond du camion.

Nos yeux cherchent dans la nuit la plus petite forme, le plus petit mouvement. Rien.

Nous sommes à l’entrée d’un bois. On descend en silence. Le sergent nous fait signe de le suivre. Nous marchons à travers la boue, les trous d’obus, les fils de fer barbelés.

Enfin, nous atteignons une tranchée. Le sergent nous indique les emplacements.

Il fait nuit noire. Rien ne bouge. Nous attendons.

Tout à coup, une fusée éclaire le paysage. Une mitrailleuse crépite, puis c’est de nouveau le silence. Nous restons ainsi, blottis, trempés, transis, mais vivants.

Demain, ce sera peut-être notre tour…

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