Nous déchantons vite ! Sur le quai d'embarquement, c'est la pagaille. On nous empile dans des wagons de voyageurs à banquette de bois, huit par compartiment. Nous ne savons plus où coller nos sacs, nos musettes, notre équipement, nos flingues, nos baïonnettes. De plus rien n'a été prévu et nous n'avons touché aucun ravitaillement.
Vers le soir, nous partons à toute petite allure. Nous ne pouvons dormir dans cette position assise et tellement serrés les uns contre les autres.
Nous roulons toute la nuit. Le matin d'hiver ensoleillé nous surprend vers Montargis... Saint-Florentin,.... Troyes. La journée passe. Déjà à Troyes, nous nous sommes inquiétés de la proximité du front.
"Entend-on le canon d'ici?
- Quelquefois, ça dépend du vent."
La Champagne pouilleuse.
"Ah, les gars, des tombes !" Elles sont gentiment habillées ces sépultures des premiers mois de 1914 : un entourage de sapin, une croix avec une cocarde tricolore. Nous regardons de toute notre âme pour fixer dans notre souvenir le paysage légendaire de la bataille de la Marne.
Un entourage de sapin, une croix, une cocarde tricolore |
Sommesous, Sézanne,... autant de noms qui rappellent des choses... et des tombes, toujours des tombes.
Nous traversons Fère-Champenoise dont la gare démolie ne dresse plus que des pans de murs et nous repartons vers l'avant.
Que des pans de murs. |
Il fait grand nuit ; cette fois-ci plus personne n'essaie de dormir malgré la fatigue. Nous écoutons, surpris de ne pas entendre le canon. Comme tous les convois de la zone des armées, notre tain n'est pas éclairé. "C'est pour les avions", chuchote-t-on. Et cela nous cause un petit serrement de cœur.
Nous nous attendons à entendre, d'un moment à l'autre, des éclatements d'obus, à rencontrer des cadavres. Ô illusion du début que tous les troufions sans doute ont connue : descendre du train, mettre sac au dos, partir baïonnette au canon, le doigt sur la détente. Comme au cinéma.Ah ! jeunesse !
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