La popote des sous-off de la 7/2 est tout un poème. Nous étions beaucoup au début, une quinzaine peut-être. Deux mois plus tard, nous nous retrouvions une demi-douzaine autour de la même table. Les autres, Lombard, Allely et Cie, tous évacués pour - oh ! il n'y a pas de croix de guerre à gagner - pour soulographie prolongée, tout simplement.
Une merveille d'organisation cette popote. Les sous-off que nous étions prenaient le travail en trois équipes de 8 heures, si bien que nous rentrions à toute heure de jour et de nuit. Nous ne nous couchions guère !
Lucien Jonas. La bonne marraine. Supplément aux Annales. BM Dijon (non coté) |
On chante
La nuit passait en vociférations diverses. Nous attendions la relève de 2 heures du matin. Les uns rentraient, les autres partaient. Il fallait bien faire manger et boire ceux qui arrivaient.. et la fête continuait.
Je n'avais jamais vu une foire pareille. Le repas vers 6 heures se passait normalement mais ensuite le chahut s'organisait. Le vin blanc de Sainte-Menehould coulait dans les quarts. On chantait puis, la boisson aidant, , on braillait, on braillait bien sûr tout ce que nous connaissions de plus dégoûtant. Combien de fois avons-nous hurlé "Les 3 Orfèvres" ou "Les Vérolés".
[Note de jph : je n'ose reproduire les paroles de la chanson "Les 3 Orfèvres". Vous pourrez les retrouver dans les chansons paillardes du site www.paroles.net. Quant aux autres titres de chansons cités dans cet article, je ne les ai pas trouvés.
https://www.paroles.net/chansons-paillardes/paroles-les-trois-orfevres]
On boit, on danse
Un peu plus tard, seulement les réserves ordinaires étant épuisées, Gonnet le cuistot descendait de la planche la-haut la grosse bouteille d'Argonne qui devait bien tenir ses 8 litres "Le Tue-Homme".
A 2 heures du matin, la grosse bouteille était vide, alors Gonnet nous trouvait du rhum, puis, prétendant en avoir terminé avec son service et désapprouvant nos libations, il secouchait. Cela consistait pour lui à s'étendre sur quelque grabat dans un coin enfumé du réduit.
Malheur à lui ! C'était justement l'heure des danses espagnoles où Milo excellait avec deux assiettes en aluminium comme tambourin. Ou bien il s'agissait d'une course de toros. Le fauve, Lombard, avec deux fourchettes attachées autour du crâne en guise de cornes.
Bien entendu au cours de ces différents exercices, il nous arrivait de culbuter sur Gonnet ou de lui marcher sur le ventre, et le pauvre cuistot gueulait comme une cane.
"Fesses de rat" avait les yeux pâles et la voix difficile. Le brigadier prenait un air lointain et semblait regarder à des kilomètres.... L'entrain tombait.
Alors la relève de 2 heures du matin arrivait. L'air frais qui rentrait avec elle ranimait tous les courages. Allons ! Tous ensemble ! Une ! deux ! C'était la chanson du Barbiau et du Courtiau. Quelque chose qui touchait au sublime.
Une caricature fournie par l'Historial de Péronne |
Soirs de gala
Les soirs de gala, nous invitions un adjudant du 23ème d'inf., un gentil garçon. Il aimait venir avec nous, les sous-off biffins n'ayant pas, sans doute, une popote aussi tapageuse que la nôtre.
Il était accompagné d'un sous-off qui apportait une mandoline de sa fabrication, avec comme boîte de fond une boîte à cigares. Il chantait d'une voix à nous rendre sourds :
Hein ! de quoi ! un homme à la mer ?
Tant pis ! Je ne suis pas d'service !
Comment ? Un paquebot se perd.
Tous vont périr. Dieu les bénisse !
Ou bien c'était l'air de maman la bataille :
C'était le plus beau du ré-gi-ment
Un beau gars bien bâti. J'en étais fière !
A peine eut-il vingt ans,
Qu'il partit pour y mourir à la frontière
C'était à vous tirer des larmes.
La fin de la popote
Ça ne pouvait durer. Un à un, les sous-off furent sur le flanc. Le major évacua la popote, Cassoly, notre capitaine, se demandait quel mal étrange et contagieux minait ainsi le corps des sous-officiers.
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