Ah, les champs fleuris, les vignobles aux pampres dorés de la Roche de Mûrs, comme il faisait bon nous y ébattre.
Un jour, un général quelconque, une vieille culotte de peau, cela va de soit, voulut organiser un grand festival : "l'attaque du moulin de Grand-Claye" par toutes les compagnies du 9ème réunies. Cela devait se terminer comme il se doit par une sorte d'apothéose, le bouquet, si j'ose m'exprimer ainsi, l'attaque à la baïonnette du moulin lui-même par des troupes hurlantes montant à l'assaut à travers les rangs de vigne.
Hélas, le général n'y connaissait rien. Montée le matin, l'attaque eût sans doute réussie. Dans la soirée, après une journée de manœuvres diverses, d'approches et de contre-approches, ce n'était hélas plus guère possible. Tous les paysans, le long des sentiers, avaient rempli nos bidons, nous avaient offert des seaux de vin à la régalade. Le soir, à l'heure de l'assaut, il n'y avait plus personne. Les officiers avaient beau crier "En avant ! A la baïonnette !", tous les poilus étaient effondrés, roupillant qui, au bord du ruisseau, qui, entre deux rangs de vigne.
Moi-même je n'avais plus aucun goût pour cette ruée de la dernière heure. Hoquetant, j'eus la force de répondre au juteux qui m'engueulait : "M n'adjudant, ma section elle a été ratiboisée par un tir de mitrailleuses, tout le monde est mort. Voyez plutôt."
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